Retour sur la journée de l’AGROTECH 2022
L'AGROTECH, clé de développement en Afrique

Contexte

Impliquant plus de 60 % de la population active sur le continent et constituant près de 32 % du PIB, le secteur agroalimentaire représente un enjeu majeur pour le développement de l’Afrique en général et pour le Sénégal et sa région Nord.

Les freins à son développement sont multiples : l’accès aux intrants et aux financements, la modernisation de l’agriculture, le changement climatique et la hausse des matières premières… Avec la nécessité de transformer le secteur en utilisant les technologies, des initiatives innovantes apparaissent.

Quels sont les défis et enjeux de cette digitalisation? Quels sont les cas pratiques qui existent aujourd’hui? Quel est le potentiel de l'agrotech dans la création de l’emploi ?

Pour répondre à ces questions, nous avons organisé mercredi 30 novembre 2022, la journée de l’Agrotech en collaboration avec l’incubateur de l’Université Gaston de Saint-Louis.


Pourquoi un événement sur l’agrotech organisé par kaikai?

Malgré certaines expériences précédentes dans l'agriculture numérique au Bénin et Sénégal, et un projet en cours pour la transformation numérique du CGER (voir article) - nous ne sommes pas des spécialistes en agriculture. Par contre, nous apportons notre expertise d'application du numérique dans des contextes de développement économique et social, en particulier sur les aspects suivants:

Réunir les parties prenantes diverses

Des producteurs, des GIE, des chercheurs, des startups, des bailleurs, des ONG qui s’activent dans le secteur de l’agriculture ont été conviés à ces échanges en vue de trouver les meilleures solutions en impliquant les différents acteurs du secteur.

Le numérique centré sur l’humain - donner la voix aux usagers

L’organisation même de l'événement à Saint Louis a permis de donner la parole aux cibles et utilisateurs finaux - agriculteurs et coopératives - qui ont pu partager leur défis, d’apporter la perspective réaliste du quotidien des agriculteurs et d’obtenir leur avis sur certaines décisions ou hypothèses.

Créer des liens et partenariats

En tant que jeune structure avec une petite équipe, notre seule possibilité pour mettre à l’échelle notre impact est de collaborer avec d’autres structures et d' inciter la création de nouveaux partenariats entre des acteurs divers.

Les défis de la transformation digitale de l’agriculture et les opportunités d’emplois


Les deux panels ont permis de relever les défis et opportunités suivants:

Pertes de revenus dû au manque de capacité de transformation

Plusieurs participants sont revenus sur les pertes importantes de récolte dues au manque de capacité de transformation, par exemple les pertes colossales de la production d’oignons qui nous amène à importer pour plus de 35 milliards de FCFA par an.

Des entreprises comme BaySeddo et ProXalysutilisent le numérique pour rapprocher producteurs et consommateurs. Le numérique permet ainsi d' accompagner les chaines de valeur et aussi de renforcer la disponibilité des informations sur le marché.

Problématique du foncier

Dans certaines zones, les agriculteurs ont du mal à accéder au foncier et font face à beaucoup de litiges; d'où la nécessité d’effectuer une cartographie de ces terres arables, un travail entamé par l’état du Sénégal en collaboration avec des startups spécialisées du domaine. Comme l’a rappelé Assane Kane, Directeur du CGER Vallée, les communautés rurales disposent de beaucoup d’informations sur ces cartographies qui peuvent même aller jusqu’à définir pour chaque zone les types de récoltes qui peuvent y être menés.

Alors que les familles grandissent, les surfaces des champs restent les mêmes, ce qui amène un découragement des jeunes dans l’agriculture.

La non connexion du monde des chercheurs de celui des entreprises

Pr. Faroukh Niass a rappelé la nécessité de tester des solutions dans les conditions locales, et le rôle que l’université et les chercheurs peuvent jouer dans ce contexte. Cependant, il y a un manque de collaboration entre ces derniers et le monde des entreprises qui n’ont pas toujours la capacité de faire de la recherche de base.

Les chercheurs ne disposent pas de moyens importants pour pouvoir mener des recherches poussées sur des problématiques liées à l’agriculture. Le Docteur Meïssa Mbaye (Coordonnateur du Centre d'Excellence Africain en Mathématiques, Informatique et TIC - CEA-MITIC) a rappelé que le MIT disposait d’un budget de recherche de plus de 1,9 milliards de dollars financé à 80% par le gouvernement américain et selon lui, il faut sortir de cette idée reçue selon laquelle ce sont les entreprises qui financent les recherches. L’idée d’une plateforme d’échange pour rapprocher les chercheurs et les entreprises a été évoquée.

Une mauvaise gestion des ressources (eaux, engrais…)

Aujourd’hui l' agriculture Sénégalaise consomme des quantités importantes d'eau et d’engrais. Comme l’a rappelé le Professeur Faroukh Niass (Directeur de l'UFR des Sciences Agronomiques, de l'Aquaculture et des Technologies de l’UGB) les objets connectés - comme les capteurs d’humidité - permettent de n’utiliser que des quantités nécessaires pour avoir de bonnes récoltes; savoir à quel moment irriguer et mettre des engrais. Ceci permet également de prendre en compte les questions liées à la problématique de l’écologie. Néanmoins, ces solutions doivent être testées et adaptées au contexte local.

Financement des producteurs et manque d’informations fiables

Mamadou Sall, CEO de BaySeddo est revenu sur la problématique du manque de traçabilité des producteurs pour pouvoir bénéficier de financements auprès des banques et l'apport de solutions numériques pour y remédier.

Malick Ndiaye, Directeur du CGER WALO à Richard-Toll a lui insisté sur le fait que sur toute la vallée du fleuve Sénégal, il n y a pas plus de 10% des terres arables qui sont parties en campagne faute de financements et ceci ne permet pas d’exploiter de tout le potentiel en termes d’emplois.

Selon lui, le digital doit appuyer toute la chaîne de valeur en fournissant les informations pour que chaque acteur fasse ce qu’il a à faire avec un encadrement de l'État. Chez Manobi par exemple, les informations sur le rendement sont collectées par des jeunes agents formés aux solutions numériques.

Le manque d’intérêt des jeunes pour l’agriculture et faible nombre d’étudiants formés dans les filières agricoles

Aujourd’hui le Sénégal dispose de filières dans les universités et grandes écoles pour former des étudiants dans le secteur de l’agriculture, cependant selon Mme Fatou Kamara Sangaré, chercheuse à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, le nombre d’étudiants est assez faible pour répondre aux besoins en experts ayant un niveau professionnel compétitif et une grande capacité technique d’élaboration, d'exécution et d'analyse des activités aquacoles, production et transformation des produits agricoles au sein de ce secteur.

Les jeunes voient leurs parents cultiver depuis des années des champs sans s’en sortir financièrement et ceci les amènent à se désintéresser du secteur agricole.

Cependant, nous notons de plus en plus de jeunes citadins qui souhaitent de plus en plus retourner dans leurs terroirs et il est important de saisir cette opportunité pour les intéresser sur des questions liées à l’agriculture.

Le combat des startups dans le domaine de l’agriculture

  • Aucune licorne dans le domaine de l’agriculture au Sénégal

  • Difficulté d'obtenir des financements

  • Besoin de pivoter et de s’adapter (expériences Manobi et Proxalys)


Le cas pratique CGER

Le GGER, par le biais de son Responsable des Systèmes d’Information, Abdou Khadre Ndiaye, a présenté le cas pratique de leur processus de transformation digitale, en effet, ce dernier a insisté sur le fait qu’il a été impératif d’impliquer les acteurs concernés pendant tout le processus. Ils se sont appuyés également sur les acquis des collaborateurs du CGER pour proposer la solution la plus adéquate à ce stade de leur transformation digitale et résoudre les trois principales problématiques auxquelles ils font face :

  • Manque d’outils de collaboration et de communication interne

  • Système de sauvegarde des fichiers inexistant avec parfois des pertes de données

  • Manque de sécurité dans le partage des fichiers

Avec leurs compétences avancées sur les outils Microsoft tels que EXCEL (qui est l’outil qu’ils utilisent le plus), il leur a été proposé de s’appuyer sur ces acquis pour entamer leur processus de transformation digitale en leur mettant en place Microsoft 365 (Teams, Outlook, OneDrive, Todo…). Cela a permis d’utiliser les mails professionnels, le chat sur Teams et les réunions en visioconférence, ce qui a pour avantage de diminuer les déplacements et donc toutes les charges financières qui y sont liées.

La prochaine étape est la mise en place d’un outil métier permettant de digitaliser les processus métiers internes (qui sont gérés actuellement avec EXCEL) et permettre au CGER de renforcer leur service de conseils en disposant des informations qualitatives et quantitatives pour mieux orienter leurs adhérents.

Pour plus de détails concernant ce processus, vous pourrez consulter cet article.

La foire aux solutions


Cette journée a été une opportunité pour des startups évoluant dans ce secteur d’exposer leurs produits et solutions aux différents acteurs mais aussi au grand public. Les startups suivantes ont pu participer:

  • Aywadieune - Plateforme de distribution de produits de la pêche 

  • Sama Toll - Startup de mise en relation producteurs et consommateurs

  • Africa Smart Citizens - Solutions contre le vol de bétail

  • Jokkalanté - Solutions numériques qui permettent d’interagir avec les populations rurales.

  • MSA - Multiservices Agricoles -Production et commercialisation de riz blanc et riz étuvé de qualité

  • Couve-Tech - Conception et commercialisation de couveuses solaires électriques et hybrides destinées à l'aviculture familiale et semi-modernes.

  • SOTILMA - Compteur d'eau agricole intelligent qui permet de gérer et d’optimiser la consommation en eau pour les agriculteurs et les industriels.

Comme l’a souligné Maïmouna Bathily, de la startup JOKKALANTE, cette journée de l’AGROTECH et plus particulièrement la foire aux solutions leur a permis également de recenser les besoins de tous ces acteurs afin de proposer une offre personnalisée et personnalisable répondant aux attentes du secteur.

Conclusion

Cette journée de l’AGROTECH a permis de créer un cadre de discussion et de relever plusieurs défis mais également dégager des pistes de solutions. Selon Daniel Annerose, CEO de Manobi, il faut que nous apprenions à travailler ensemble. Selon lui l’AGROTECH est un secteur qui peut contribuer à la création de dizaine de milliers d’emplois à condition que tous acteurs collaborent de manière effective.

Les participants ont enfin invité les initiateurs de cette journée à la pérenniser afin d’en tirer le maximum de bénéfice. Nous sommes en réflexion sur un format et thème possible pour une prochaine édition, et ouverts à toute suggestion ou opportunité de collaboration!

Un encouragement pour les jeunes

Les jeunes étudiants ont été encouragés à approfondir leurs connaissances en matière de l’agriculture, mais également à s’intéresser aux thèmes de la gestion d’une entreprise. Mme Fatou Kamara Sangaré a conseillé les étudiants de privilégier l’acquisition d’expériences durant leurs premières années et non privilégier l’argent au début.

Remerciements

Cette journée n’aurait pas été possible sans l’appui de l’incubateur de l’UGB et son équipe. Nous tenons également à remercier nos sponsors ITC à travers le projet PACAO Senegal et CER FRANCE qui nous ont accompagnés pour la réussite de cet événement. Nos remerciements vont également à nos partenaires tels que le CGER, GIZ Invest for JOBS, Proxalys, CEA-MITIC, CER France, UGB, Manobi et BaySeddo pour leurs pertinentes interventions lors des panels, ainsi que tous les participants et participantes.  

Quels ont été les points forts ou points d’amélioration de la journée? N’hésitez pas à partager vos commentaires!


Retour sur la journée de l’AGROTECH 2022
Mamadou Djigo 13 décembre, 2022
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